Les Liaisons dangereuses de Laclos

Les Liaisons dangereuses Laclos couverture folio classique

Je me suis attaquée à un grand classique de la littérature française : Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos. J’ai du le commencer il y a environ un an dans une volonté de développer mes lectures classiques.

Ce roman épistolaire, prenant place au XVIIIe siècle dans la haute bourgeoise française, est axé sur un duo principal (Valmont/Merteuil) et leur cercle proche.

  • Vicomte de Valmont, parisien, charmeur de dames, ancien amant de la Marquise de Merteuil et désormais confident de cette dernière
  • La Marquise de Merteuil, veuve, manipulatrice qui parvient à fait croire à tous qu’elle est d’une pureté irréprochable, sauf à Valmont à qui elle raconte toutes ses aventures
  • Cécile Volanges, jeune pucelle sortie du couvent qui doit être mariée au comte de Gercourt, ancien amant de la Marquise de Merteuil
  • Mme de Volanges, mère de Cécile, organisatrice des fiançailles de sa fille, confidente de la Présidente de Tourvel et grande amie de la Marquise de Merteuil
  • La Présidente de Tourvel, épouse vertueuse, parfaitement consciente de la réputation de Don Juan de Valmont et qui ne compte pas céder à ses avances
  • Le Chevalier Danceny, ex-amant de la Marquise de Merteuil, qu’elle va mettre volontairement dans les bras de la jeune Cécile pour venger son ancien amant le comte de Gercourt et ruiner son mariage
  • Mme de Rosemonde, tante de Valmont, chez qui il va être hébergé et va rencontrer la Présidente de Tourvel, sa plus difficile conquête

Connaissant déjà l’histoire, je reprenais régulièrement ce livre entre deux lectures. J’avoue, j’ai connu l’histoire grâce au film Cruel Intentions, que j’avais aimé ado. Il s’agit d’une adaptation du roman façon teen movie drama des années 90 avec Sarah Michelle Gellar, Ryan Philips et Reese Witherspoon. L’oeuvre de Laclos a été complètement revisitée avec les échanges de lettres remplacés par des textos et un journal intime et recontextualisé lors de vacances d’été de jeunes américains aisés. Puristes, ne regardez jamais ce film ! Mais je compte bientôt regarder l’adaptation de 1988, plus fidèle, de Stephen Frears avec un casting aux épingles (John Malkovich, Glenn Close, Michele Pfeiffer, Uma Thurman et Kuanu Reeves).

Le chef d’oeuvre de Laclos est d’avoir réussi à mêler intrigue et psychologie en tenant compte de la chronologie des lettres et des expéditeurs. Dans certaines lettres nous allons donc voir une présentation des faits et dans celles qui suivent, le véritable sens des paroles dites lors de ces faits. Tout n’est que manigance, apparence et mensonge. Le duo Valmont/Merteuil est cruel et joue de la psychologie des gens pour les manipuler et accéder à leur fin. L’hypocrisie de Merteuil est sans limite. Elle parvient à corrompre tout le monde par sa vertu, alors qu’elle est une terrible manipulatrice. Elle jette son ancien amant Danceny dans les bras de la jeune et naïve Cécile pour se venger du comte de Gercourt. Elle brise la réputation de son amant Parvan qui a eu l’audace de tenter de jouer à son niveau. Elle est surtout dans une compétition avec Valmont à celui qui aura le plus d’aventures. Valmont de son côté tente tout pour séduire la Présidente de Tourvel. Leurs manigances chacun de leur côté va finalement les réunir d’une façon bien tragique.

Ce roman présente une pluralité des formes de l’amour via chacun des personnages. La Marquise de Merteuil est une fine observatrice quant au langage de l’amour, ou du moins de la séduction. Elle en connait tous les secrets et sait profiter de son charme. Elle est libertine et déborde d’intelligence pour obtenir les hommes qu’elle souhaite. Valmont est lui le séducteur parisien, dont la réputation n’est plus à faire. Sa méthodologie doit néanmoins changer lorsqu’il s’attaque à la Présidente de Tourvel qui résiste plus que les autres. Danceny est amoureux mais libertin. Son cœur appartient à Cécile mais cela ne l’empêche pas d’avoir des aventures, comme avec la confidente de son adorée, la Marquise de Merteuil. Cécile est naïve mais une fois formée par la Marquise de Merteuil et Valmont, elle devient une jeune femme sensuelle, bien qu’inconsciente de son charme. Mme de Rosemonde, comme Mme de Volanges, est une femme de principes, adepte de la vieille école. Ses principes seront cependant revus lorsqu’elle viendra au secours de son amie la Présidente de Tourvel qui a succombé aux avances de Valmont. La Présidente de Tourvel croit en l’amour passionnel et dévoué. Elle connait sa faiblesse et se protège en s’empêchant de tomber sous les charmes de Valmont car consciente que si elle cède, il aura une totale possession de son coeur.

Lettre 32 – Madame de Volanges à la Présidente de Tourvel (elle la prévient du danger de fréquenter Valmont)

Je ne me permettrai point de scruter les motifs de l’action de M. de Valmont ; je veux les croire louables comme elle : mais en a-t-il moins passé sa vie à porter dans les familles le trouble, le déshonneur et le scandale ? Ecoutez, si vous voulez, la voix du malheureux qu’il a secouru, mais qu’elle ne vous empêche pas d’entendre les cris de cent victimes qu’il a immolées. Quand il ne serait, comme vous le dites, qu’un exemple du danger des liaisons, en serait-il moins lui-même une liaison dangereuse ? Vous le supposez susceptible d’un retour heureux ? Allons plus loin ; supposons ce miracle arrivé : ne resterait-il pas contre lui l’opinion publique, et ne suffit-elle pas pour régler votre conduite ? Dieu seul peut absoudre au moment du repentir ; il lit dans les cœurs ; mais les hommes ne peuvent juger les pensées que par les actions ; et nul d’entre eux, après avoir perdu l’estime des autres, n’a droit de se plaindre de la méfiance nécessaire, qui la lui rend si difficile à recouvrer. Songez surtout, ma jeune amie, que quelquefois il suffit, pour la perdre, d’avoir l’air d’y attacher trop peu de prix ; et ne taxez pas cette sévérité d’injustice ; car, outre qu’on est fondé à croire qu’on ne renonce pas à ce bien précieux quand on a droit d’y prétendre, celui-là est en effet plus près de mal faire, qui n’est plus contenu par ce frein puissant. Tel serait cependant l’aspect sous lequel vous montrerait une liaison intime avec M. de Valmont, quelqu’innocente qu’elle pût être.

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La première partie est assez lente, j’ai beaucoup saccadé ma lecture. Mais les échanges deviennent plus piquants lorsque la Marquise de Merteuil commence à devenir jalouse de l’acharnement de Valmont à charmer la présidente de Tourvel. Elle se moque de lui considérant qu’il fait preuve d’enfantillage avec la Présidente et reste prude avec Cécile dans la lettre 106.

Aussi, dès que les circonstances ne se prêtent plus à vos formules d’usage, et qu’il vous faut sortir de la route ordinaire, vous restez court comme un écolier. Enfin un enfantillage d’une part, de l’autre un retour de pruderie, parce qu’on ne les éprouve pas tous les jours, suffisent pour vous déconcerter ; et vous ne savez ni les prévenir, ni y remédier. Ah ! Vicomte, Vicomte, vous m’apprenez à ne pas juger les hommes par leurs succès ; et bientôt, il faudra dire de vous : Il fut brave un tel jour. Et quand vous avez fait sottise sur sottise, vous recourez à moi ! Il semble que je n’aie rien autre chose à faire qu’à les réparer. Il est vrai que ce seroit bien assez d’ouvrage.

La marquise a une haute estime d’elle-même. Elle considère toutes les autres femmes comme stupides et est une langue de vipère envers son propre sexe. Elle en veut également aux hommes de pouvoir papillonner de femme en femme si facilement alors qu’en tant que femme, il faut faire preuve de plus de stratagèmes. Elle assume pleinement ses manigances auprès de Valmont, toujours dans la lettre 106. Pour continuer de nuire à son ancien amant, elle annonce devoir changer stratégie en en disant du bien auprès de Mme de Vollanges, qu’elle remet d’ailleurs à sa place en faisant un discours sur la honte d’avoir un amant (pour protéger sa couverture de femme pieuse).

Je suis fâchée de n’avoir pas le temps de prendre copie de ma lettre, pour vous édifier sur l’austérité de ma morale. Vous verriez comme je méprise les femmes assez dépravées pour avoir un amant ! Il est si commode d’être rigoriste dans ses discours ! cela ne nuit jamais qu’aux autres, et ne nous gêne aucunement. Et puis je n’ignore pas que la bonne dame a eu ses petites faiblesses comme une autre, dans son jeune temps, et je n’étais pas fâchée de l’humilier au moins dans sa conscience ; cela me consolait un peu des louanges que je lui donnais contre la mienne. C’est ainsi que dans la même lettre, l’idée de nuire à Gercourt m’a donné le courage d’en dire du bien.

Valmont, n’arrivant à ses fins avec la Présidente de Tourvel, décide d’utiliser des tiers. D’abord en utilisant son valet auprès de la femme de chambre de la Présidente pour obtenir des informations, puis carrément auprès de son confesseur. Pour nous lecteurs connaissant la réputation de Valmont, il est drôle de le voir devenir pieux lorsqu’il s’adresse au père Anselme, lettre 120. On l’imagine presque avec une auréole d’ange sur la tête et des violons derrière, cachant discrètement sa queue de diable.

Je vous autorise, Monsieur, au cas que vous le jugiez convenable, à communiquer cette Lettre en entier à Mme de Tourvel, que je me ferai toute ma vie un devoir de respecter, et en qui je ne cesserai jamais d’honorer celle dont le Ciel s’est servi pour ramener mon âme à la vertu, par le touchant spectacle de la sienne.

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Ayant lu en diagonale la préface, c’est au cours de ma lecture que j’ai mieux compris pourquoi les dates et lieux de correspondances étaient effacées. J’ai cru pendant un moment qu’il s’agissait de vraies lettres. La note de l’éditeur fait partie de l’intrigue puisqu’à la fin, on comprend enfin comment toutes ces lettres ont été récupérées et pourquoi elles ont été publiées. Une histoire dans l’histoire.

Malgré un début difficile, je n’ai pu lâcher le livre pour la suite. Chaque lettre apportait une nouvelle situation, une nouvelle scène. La diversité des personnages permet de mettre en avant les différentes formes de l’amour. Les personnages se retrouvent face aux conséquences de leurs actes à la fin et face à une destinée qui est bien différente de ce qu’on aurait pu imaginer au début du roman. Il est drôle de chercher les sens cachés dans les lettres que Valmont et Merteuil adressent à leurs « victimes ».

Très contente d’avoir pu découvrir ce classique de la littérature française. A lire !

 

PS : J’habite en région parisienne, et pendant toute ma lecture j’ai transformé la Marquise de Merteuil en « Marquise de Montreuil », oups…😬

 

7 réflexions sur “Les Liaisons dangereuses de Laclos

  1. vinushka64 dit :

    Je l’avais lu au lycée et avait beaucoup aimé, mais il me reste une trentaine de pages à lire… (on a vu le film en classe avant que j’ai le temps de le finir totalement) C’est un bon souvenir et je n’exclus pas une relecture un jour. En attendant, ton article m’a replongée avec plaisir dans ce classique !

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  2. Steven dit :

    Je viens de terminer ce classique que j’ai apprécié surtout pour sa construction. J’ai aussi apprécié les personnages cruels et totalement manipulateurs.
    Je ne savais pas que Sexe Intentions était une adaptation libre de ce roman.

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