Claude Gueux de Victor Hugo

En weekend chez des amis, je voyageais léger et n’avait malheureusement pas pris mon livre, une brique de 1000 pages. Alors j’ai fouillé dans leur bibliothèque et j’ai commencé Claude Gueux de Victor Hugo. Je pense l’avoir probablement étudié au collège mais je n’en garde absolument aucun souvenir.

Victor Hugo s’engage dans ce roman pour l’abolition de la peine de mort. Claude Gueux, un homme sans histoire, a volé du pain et du bois pour nourrir et garder au chaud sa famille. Il sera condamné à 5 ans dans la prison de Clairvaux pour ce vol. Ce qui le mènera aussi à commettre un meurtre. La question que pose Victor Hugo est pourquoi a-t’il fait cela ? En 1871, le système pénale est relativement nouveau. A chaque faute, une peine est liée. Hugo propose un nouvel élément de valeur permettant de diminuer les peines en cas de circonstances atténuantes, principe non utilisé jusqu’à présent.

Les prisons ont été créées pour permettre aux condamnés d’avoir des remords par la solitude et aussi de leur donner une éducation morale. Au vu de l’histoire de Claude Gueux, Hugo remet en question par l’ironie leur utilité. Pour lui la solution est l’éducation, l’éducation chrétienne en particulier. Il y a d’ailleurs une symbolique chrétienne lorsque Claude et Albin, son camarade de cellule, se partagent le pain. Pour gagner sa ration alimentaire, Claude fabrique des chapeaux mais la récompense est maigre et il n’a pas assez pour manger, d’où le geste d’amitié d’Albin.

Mais le directeur d’atelier a une dent contre Claude et décide de le séparer d’Albin. Voici comment le directeur est décrit « l’entêtement sans intelligence, c’est la sottise soudée au bout de la bêtise et lui servant de rallonge. » Il est stupide, têtu et sa seule réponse à pourquoi il les a séparé est « parce que ». Claude ne pouvant demandé justice, décide de faire lui-même le procès dans sa tête. Il annonce le résultat de son procès à ses camarades de cellule : la sentence sera la mort. Et c’est comme ça qu’il tua le directeur. « Les interrogatoires commencèrent. On lui demanda si c’était lui qui avait tué le directeur des ateliers de la prison de Clairveaux. Il répondit : Oui. On lui demanda pourquoi. Il répondit : Parce que. »

Claude Gueux ne sait pas lire ni écrire, mais il sait s’exprimer. Ses co-détenus ont pu s’en rendre compte. Il a plus les compétences d’un orateur qu’un assassin.

Cet empire lui était venu sans qu’il y songeait. Cela tenait au regard qu’il avait dans les yeux. L’oeil d’un homme est une d’entre par laquelle on voit les pensées qui vont et viennent dans sa tête.

Mettez un homme qui contient des idées parmi les hommes qui n’en contiennent pas, au bout d’un temps donné, et par une loi d’attraction irrésistible, tous les cerveaux ténébreux graviteront humblement et avec adoration autour du cerveau rayonnant. Il y a des hommes qui sont fer et des hommes qui sont aimant. Claude était aimant.

Lors du procès, le juré estime qu’il n’y a pas eu de violence ou de provocation de la part du directeur. Ce à quoi répond Claude :

Quoi ! s’écria Claude, je n’ai pas été provoqué ! Ah ! oui, vraiment, c’est juste. Je vous comprends. Un homme ivre me donne un coup de poing, je le tue, j’ai été provoqué, vous me faites grâce, vous m’envoyez aux galères. Mais un homme qui n’est pas ivre et qui a toute sa raison me comprime le coeur pendant quatre ans, m’humilie pendant quatre ans, me pique tous les jours, toutes les heures, toutes les minutes, d’un coup d’épingle à quelque place inattendue pendant quatre ans ! J’avais une femme pour qui j’ai volé, il me torture avec cette femme ; j’avais un enfant pour qui j’ai volé, il me torture avec cet enfant ; je n’ai pas assez de pain, un ami m’en donne, il m’ôte mon ami et mon pain. je redemande mon ami, il me met au cachot. Je lui dis vous, à lui mouchard, il me dit tu. Je lui dit que je souffre, il me dit que je l’ennuie. Alors que voulez-vous que je fasse ? Je le tue. C’est bien, je suis un monstre, j’ai tué cet homme, je n’ai pas été provoqué, vous me coupez la tête. Faites !

Face à la sentence de sa condamnation à mort, Claude réagit froidement « Allons, j’ai bien dormi cette nuit sans me douter que je dormirais encore mieux la prochaine. »

Avec une dernière ironie, Hugo accuse la France de sa position face à la peine de mort.

On avait choisi ce jour-là pour l’exécution, parce que c’était jour de marché, afin qu’il y eût le plus de regards possible sur son passage ; car il paraît qu’il y a encore en France des bourgades à demi sauvages où, quand la société tue un homme, elle s’en vante.

Victor Hugo signe un roman très engagé, comme à son habitude. Il utilise régulièrement l’ironie afin de faire réagir le lecteur. Cette moquerie permet de faire l’opposition à une réalité cruelle. Cette lecture est complémentaire à son roman Dernier jour d’un condamné où il donne le point de vue du condamné. Pour lui la solution pour palier à la peine de mort est l’éducation, et en particulier l’instruction par les lectures saintes et le changement du système pénal. Il en profite également pour donner un petit pic à Voltaire qui lui prone la laïcité. Une lecture qui me rappelle vaguement L’étranger de Camus, où l’on suit le procès d’un condamné dont on cherche à comprendre le raisonnement qui l’a mené au meurtre.

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