Dune de Frank Herbert

Ça y est ! Je l’ai lu ! Ce livre fait apparement parti des chef-d’oeuvre à lire d’après mes oncles et cousins. Mais ce qui m’a motivé à le lire (et je dois l’admettre), c’est l’adaptation cinématographique par Denis Villeneuve avec Timothée Chalamet (coeur sur lui ❤️). J’avais suivi la promotion du film et chaque interview me donnait encore plus envie de le voir. Mais je préférais dans un premier temps découvrir cette oeuvre de science-fiction dans sa version originale, le livre. Je me suis procurée une édition revisitée avec une préface de Denis Villeneuve, un sacré pavé marron et doré, qui a d’ailleurs laissé croire à mes collègues que je lisais réellement la Bible !

Alors pour ceux qui ne connaissent pas, Dune est écrit par Frank Herbert et publié pour la première fois en 1965 (Etats-Unis). La noble famille Atréides est envoyée sur la planète Arrakis, planète extrêmement inhospitalière, recouverte en grande partie de dunes. L’eau y est extrêmement rare mais son sol dispose d’une ressource de richesse : l’épice. Le duc, Leto Atreides vient gérer ce business suite au départ des Harkonnen tout en s’adaptant aux coutumes du peuple Fremen qui s’y connaît pas mal en exploitation de l’épice. Mais la mort du Duc va propulser Paul, son fils, face à sa destinée.

Liet Kynes, le planétologiste impérial, rencontre pour la première fois le Duc et son fils :

Son attention fut alors attirée par un mouvement et il s’arrêta pour ajuster sa robe et la fixation de l’épaula gauche de son distille. Les portes s’ouvrirent et des gardes atréides en surgirent, lourdement armés : épées, boucliers, tétaniseurs à charge lente. Un homme de haute taille venait derriere : sa peau et sa chevelure étaient sombres et ses traits étaient ceux d’un oiseau de proie. Il portait une cape jubba ornée de l’emblème des Atréides sur la poitrine, et ses mouvements révélaient qu’il n’était pas accoutumé à ce vêtement. Il lui manquait une certaine souplesse, un certain rythme aisé. Sur le côté, la cape adhérait aux jambes de son distille.
À ses côtés s’avançait un jeune garçon à la chevelure également sombre mais aux traits plus ronds. Kynes savait qu’il avait quinze ans et il lui semblait un peu petit pour cet âge. Mais son jeune corps donnait pourtant une impression d’assurance, de commandement, comme s’il avait le pouvoir de discerner, de connaître des choses qui, tout autour de lui, demeuraient invisibles aux autres. Il portait la même cape que son père avec, cependant, une désinvolture pleine d’aisance qui donnait à penser que c’était là l’effet d’une longue habitude.
«Le Mahdi aura connaissance de choses que d’autres ne sauraient voir», disait la prophétie.

Le début de la lecture est difficile car il y a beaucoup de vocabulaire, et il faut expliquer cet univers. Il faut plusieurs pages pour comprendre le fonctionnement politique, économique et spatiale. On peut retenir les différents acteurs : l’Empereur, les Maisons Nobles (Atréides et Harkonnen entre autres), la Guilde, la CHOM, l’ordre du Bene Gesserit et les Fremen. Du côté des Atréides, on note de nombreux personnages : Leto Atréides le Duc, Dame Jessica (concubine du Duc et soeur Bene Gesserit), Paul Atréides fils du Duc et Dame Jessica, Thufir Hawat (Mentat, conseiller du Duc), Gurney Halleck (maitre d’armes), Duncan Idaho (bras droit du Duc), Wellington Yueh (docteur). Je dois admettre que j’avais du prendre quelques notes au départ me perdant un peu parmi les personnages. J’avais fait comme à l’époque où je lisais Game of Thrones et j’ai regardé les photos des acteurs du film pour mieux me souvenir de leur visage.

Assez rapidement je suis fascinée par l’ordre Bene Gesserit. Cet ordre constitué uniquement de femmes a pour mission de créer grâce à un programme génétique la lignée parfaite pour réaliser la prophétie. Les soeurs Bene Gesserit sont mariées aux hommes de Maisons Nobles pour tenter d’engendrer des êtres humains aux pouvoirs exceptionnels. Les soeurs ont des facultés à la Sherlock Holmes, elles analysent avec une grande facilité leur environnement et les comportements humains. Paul, bien qu’étant un garçon, a reçu cette éducation par sa mère et ses facultés sont extraordinaires. Sa mère le comprend assez rapidement lors d’un diner mondain à leur arrivée sur Arrakis. Paul et sa mère diagnostiquent et analysent les personnes installées autour de la table. Dame Jessica n’a pas besoin de parler à son fils, elle comprend qu’il a perçu et ressenti la même chose qu’elle. Paul s’exprime extrêmement bien pour son âge et est très habile dans ses propos. Comme s’il lisait les âmes.

Cela signifie-t-il que la Guilde elle-même s’est rangée au côtés des Harkonnen ? se demanda-t-elle. Cette idée la choquait profondément et elle dissimula son émotion en commandant un nouveau plat. Mais elle ne cessait pas de prêter l’oreille à l’homme, attendant qu’il trahisse ses intentions. Il va porter la conversation sur un sujet banal, mais avec des implications menaçantes, se dit-elle. Tel est son schéma.
Le banquier avala une bouchée, but une gorgée de vin et sourit à un propos de sa voisine de droite. Pendant un instant il parut s’intéresser aux paroles d’un homme qui, un peu plus loin, expliquait au Duc que les plantes Arrakeen n’avaient pas d’épines.
« J’aime observer les vols d’oiseaux, dit-il soudain en s’adressant à Jessica. Tous nos oiseaux, bien sûr, sont des charognards et beaucoup se passent d’eau, l’ayant remplacée par le sang. »
La fille du confectionneur de distilles, assise entre Paul et son père à l’autre bout de la table, plissa son joli visage et dit : « Oh ! Soo-Soo, vous dites des choses vraiment dégoûtantes.»
Le banquier eut un sourire. « On m’appelle Soo-Soo parce que je suis le conseiller financier du Syndicat des Porteurs d’eau. (Et comme Jessica continuait de le regarder sans rien dire, il ajouta) : Soo-Soo-Sook ! C’est le cri des porteurs d’eau. » Il imitait l’appel si fidèlement que quelques rires s’élevèrent autour de la table.
Jessica avait perçu la vantardise dans le ton de l’homme mais elle avait noté aussi que la jeune fille lui avait donné la réplique, comme si elle avait voulu fournir une excuse aux propos du banquier. Elle regarda Lingar Bewt. Le magnat de l’eau était absorbé dans son repas, l’air sombre. Et Jessica se souvint que le banquier avait dit : « Moi aussi, je contrôle cette ultime source de puissance d’Arrakis, l’eau. »
Paul avait décelé la fausseté dans la voix de sa compagne, il avait vu que sa mère suivait la conversation avec une intensité bene gesserit. Mû par une impulsion, il décida de contrer, de repousser l’adversaire et il s’adressa au banquier :
« Voulez-vous dire, monsieur, que ces oiseaux sont cannibales?»
« C’est une étrange question, Jeune Maître. Je dis tout simplement que ces oiseaux boivent du sang. Il n’est pas nécessaire que ce soit le sang de leurs semblables, non ?»
« Ma question n’était pas étrange. (Jessica remarqua la qualité cassante de la riposte de son fils, qui révélait toute son éducation, qui lui venait d’elle.) Les gens instruits savent pour la plupart que c’est dans sa propre espèce qu’un jeune organisme rencontre le potentiel de compétition le plus élevé. (Délibérément, il planta sa fourchette dans l’assiette de son voisin et ajouta) : Ils mangent au même plat. Ils ont les mêmes nécessités vitales. »
Le banquier se raidit et se tourna vers le Duc.
«Ne commettez pas l’erreur de considérer mon fils comme un enfant », dit celui-ci avec un sourire.
Le regard de Jessica courut sur la table. Elle remarqua que Bewt avait abandonné son air sombre et que Kynes souriait, de même que le contrebandier, Tuek.
«C’est une règle d’écologie que le Jeune Maître semble très bien connaître, dit Kynes. La lutte entre les éléments de vie est la lutte pour l’énergie disponible d’un système. Le sang est une source d’énergie efficiente. »
Le banquier posa sa fourchette et, lorsqu’il parla, ce fut d’un ton furieux : « On dit que la racaille Fremen boit le sang de ses morts. »
Kymes secoua la tête et dit, d’un ton docte : « Non, pas le sang, monsieur. Mais l’eau d’un homme, à son dernier instant, appartient aux siens, à sa tribu. C’est une nécessité lorsque vous quittez la Grande Plaine. Ici, toute eau est précieuse et le corps d’un homme se compose d’eau à soixante-dix pour cent. Celui qui est mort n’en a certainement plus aucun besoin. »

Sur Arrakis, l’eau est tellement rare que les Fremen ont créé des tenues, des distilles, capables de récupérer l’eau du corps et la recycler (respiration, transpiration). Ils peuvent ainsi s’auto-suffire en eau. On ne pleure pas sur Arrakis, mais exceptionnellement on peut verser de l’eau pour les morts, une très grande symbolique. Lorsqu’un homme meurt, son eau revient à la tribu. Tels les égyptiens, ils récupèrent l’eau du corps lors d’une cérémonie où les proches rendent hommage au défunt.

Les Fremen sont croyants. Les Bene Gesserit ont propagé grâce à la Missionaria Protectiva des croyances chez certains peuples pour leur faire croire en une religion. La prophétie de cette religion annonce l’arrivée d’un sauveur accompagné de sa mère. Paul devient Muad’Dib, il est le sauveur, même si la prophétie annonçait une fille. Il a des visions concernant le présent et l’avenir. Lorsqu’il répond à ses visions, modifie-t-il la prophétie ou est-ce qu’il la rend réelle ?

Prophétie et prescience. Comment les soumettre à l’examen, face aux questions restées sans réponse ? Par exemple : Dans quelle mesure s’agit-il d’une véritable prédiction de la « forme d’onde » (l’image-vision, ainsi que la désignait, Muad’Dib) et dans quelle mesure le prophète façonne-t-il l’avenir afin qu’il corresponde à la prophétie ? Et qu’en est-il des harmoniques inhérents à l’acte de prophétie ? Le prophète voit-il l’avenir ou seulement une ligne de rupture, une faille, un clivage dont il peut venir à bout par des mots, des décisions ainsi qu’un tailleur de diamant façonnant une gemme d’un coup de son outil ?
Réflexions personnelles sur Muad’Dib par la Princesse Irular

(Attention spoiler) Cet univers est tellement riche qu’y rentrer est difficile. Mais j’ai été prise dans ma lecture, surprise par la tournure des évènements. Paul prend de plus en plus conscience de son pouvoir et ses décisions deviennent de plus en plus dures. Je ne m’attendais pas à le voir devenir tyran tel son grand-père à la fin du livre. Je suis restée un peu hébétée. Je ressors de ma lecture en ayant l’impression d’avoir loupé plein de details et de subtilités mais j’ai passé un agréable moment. J’espère que le visionnage du film me donnera des indices supplémentaires ! Hâte de le voir !

PS : Je suis absolument fan de la calligraphie de DUNE sur la couverture.

Dune, de Frank Herbert, éditions Robert Laffont, 720 pages, 24,90€.

A lire également:

3 réflexions sur “Dune de Frank Herbert

Laisser un commentaire